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Une pièce de monnaie vedette

loonie

MONTRÉAL – La phase de groupes de la Ligue des champions de la CONCACAF 2015-2016 se met en branle mardi. Au fil des longs voyages, des milieux hostiles et du « CONCACAFing », le tournoi engendrera des histoires. Certaines seront racontées. D’autres seront tues.


Voici l’histoire méconnue de l’épopée montréalaise vers la finale de la Ligue des champions 2014-2015. Elle met en vedette une pièce de monnaie et un peu d’ingéniosité. Aucun nom n’a été changé pour protéger l’identité des coupables.


Si l’Impact a connu des jours glorieux sur la route de la finale, on ne se rappelle plus trop les jours plus exigeants que l’équipe a passés à l’étranger pour se préparer à la phase éliminatoire – 17 en tout à Mexico et à Pachuca.


Certains membres du personnel y ont même passé davantage de temps, loin de leur famille et de leurs amis. L’expérience est devenue pénible pour Aldo Ricciuti, gérant de l’équipement, Eduardo « Lalo » Ceza, son adjoint, et Daniel Pozzi, responsable des opérations de l’équipe.


« Nous nous rendions en voiture au terrain d’entraînement, se rappelle Ricciuti, en entrevue à MLSsoccer.com. J’étais avec Danny Pozzi et Lalo, et nous nous demandions ce que nous pourrions faire pour rendre tout ça plus intéressant, plus drôle – pour se donner de la chance. »


Pour de nombreux Canadiens, le plus grand porte-bonheur sportif demeure le Dollar porte-bonheur des Jeux olympiques de Salt Lake, en 2002. Des travailleurs canadiens, embauchés pour construire la patinoire olympique, avaient dissimulé une pièce d’un dollar au centre de la glace. Seuls quelques chanceux étaient dans le secret des dieux, dont les membres des équipes masculine et féminine canadiennes de hockey. Les deux formations ont remporté l’or.


Pozzi s’est rappelé de l’histoire dans la voiture. Ses deux collègues et lui s’en sont inspirés.


« Nous nous sommes dépêchés de trouver un dollar », se souvient Pozzi.


« J’en avais un dans ma chambre, réplique Ricciuti. Nous avons pris notre décision la veille du match contre Pachuca. »


Le trio n’était toutefois clairement pas responsable de la pelouse de l’Estadio Hidalgo. Il leur fallait trouver un moyen d’insérer la pièce dans la pelouse avant la rencontre, sous l’œil des caméras et des partisans qui commençaient à arriver.


Avant l’échauffement, Ricciuti, Pozzi et Ceza se sont rendus sur le terrain et ont feint une vérification d’usage, s’agenouillant même à certains endroits. Rendu au rond central, Ricciuti y a creusé une fente avec ses doigts. Il y a glissé le dollar.


Le dollar est resté là pour toute la rencontre.


L’Impact s’en est tiré avec un verdict nul de 2-2 qui allait s’avérer décisif. Ricciuti a ensuite demandé à Ignacio Piatti de récupérer la pièce. D’abord incrédule, Piatti est ensuite devenu le complice de Ricciuti. Il récupérera le dollar cinq fois de plus.


Au match retour, au Stade olympique de Montréal, Ricciuti s’est buté à un obstacle : on ne peut pas creuser dans la pelouse artificielle comme dans la pelouse naturelle. Mais on peut toujours trouver un espace quelque part entre les panneaux. Ricciuti est arrivé à glisser le dollar sous la surface, la journée du match.


Le but égalisateur de Cameron Porter a qualifié les Montréalais pour les demi-finales. La longue remise de Calum Mallace a survolé le dollar.


Quinze jours plus tard, le dollar était une fois de plus caché sous la surface du stade lorsque l’Impact a défait les Costaricains d’Alajuelense par la marque de 2-0 dans le match aller de leur demi-finale. Le match retour allait compliquer la tâche de Ricciuti. Il était quasi impossible, à Alajuela, de reproduire la stratégie mise en œuvre à Pachuca – la surface de l’Estadio Alejandro Morera Soto était artificielle, elle aussi.


Le trio a choisi d’attendre que les médias quittent la séance d’entraînement de l’Impact, la veille du match, avant de cacher le dollar sous la pelouse artificielle. Or, un employé d’Alajuelense aurait aisément pu les prendre sur le fait, ce qui aurait pu rompre le sortilège.


Le lendemain soir, l’ambiance était hostile au possible. Quiconque portait les couleurs de l’Impact se faisait siffler et huer dans le stade – sans exception. Les trois collègues se sont donc fait insulter lorsqu’ils sont allés vérifier si le dollar était toujours là. Ceza s’est chargé de distraire (brillamment) les partisans.


« Lalo nous a dit qu’il s’en allait regarder la foule, raconte Ricciuti. Il a pris son téléphone et s’est mis à filmer la foule. Les gens lui criaient après encore plus, et tout le monde le regardait, lui. Personne ne regardait au milieu du terrain. »


Leurs manigances de la veille étaient passées inaperçues. Les Montréalais ont, une fois de plus, obtenu le résultat requis, une défaite de 4-2 qui les a qualifiés pour la finale en raison des buts marqués à l’extérieur. Le dollar était de plus en plus efficace et, surtout, les autres équipes ignoraient le secret. Seuls les joueurs et quelques partisans étaient au courant – Ricciuti n’est pas certain que les entraîneurs savaient.


« Ce qui m’inquiétait un peu plus, c’est qu’un tacle en milieu de terrain propulse le dollar hors de la pelouse, reconnaît Ricciuti. C’était ma plus grande inquiétude. On ne sait jamais. Je ne pense pas qu’on en aurait subi des conséquences négatives, surtout à Alajuelense. On nous lançait de la monnaie de toute façon! »


Le match aller de la finale contre Club América aura été le contexte où il était le plus facile pour Ricciuti de cacher la pièce. Comme à Pachuca, il a pu insérer le dollar dans un trou au sol. Comme à Alajuela, il pouvait se permettre de le faire la veille du match, après que les médias aient quitté l’entraînement à l’Estadio Azteca.


Piatti a repris le dollar une autre fois le lendemain, après qu’il ait marqué dans un verdict nul de 1-1 qui a stupéfait la foule de l’Azteca. C’est la dernière fois qu’il l’a fait avec le sourire. Le sortilège s’est rompu une semaine plus tard au Stade olympique, lorsqu’América l’a emporté par la marque de 4-2 (5-3 au total des buts).


« Le dollar était dépensé, souligne Pozzi. Il ne restait plus de monnaie. »


La prochaine fois, ils pourraient utiliser une pièce de deux dollars.


« Visiblement, un dollar, ça ne suffisait pas, concède Pozzi. Nous avons besoin d’un peu plus. »


Ils devront trouver un autre emplacement sur le terrain – les autres équipes sauront où regarder. Et, bien sûr, l’équipe devra battre Vancouver en finale du Championnat canadien Amway, ce mois-ci, pour retourner en Ligue des champions.


Le cas échéant, le dollar aura été bien dépensé.